Les différents types de tapis français au fil des âges

Art décoratif et fonctionnel utilisé pour embellir son intérieur, les tapis français ont traversé les âges avec différentes techniques et diverses influences culturelles. La production de pièces 100% made in France ne date pas d’hier. Depuis le Moyen Âge à nos jours, le patrimoine de la tapisserie française est si riche qu’il mérite une place à part sur le site www.culture.gouv.fr/. Découvrez dans cet article, les pièces les plus importantes et les plus populaires de ce patrimoine culturel artistique ainsi que des savoir-faire singuliers qui l’entourent.

Les grandes tapisseries murales du Moyen-Âge en France

Si l’on se fie à l’histoire de la tapisserie française, les origines de la tapisserie française remontent au Moyen-Âge. Bien que l’art du tissage soit connu depuis l’Antiquité dans le reste du monde (Égypte antique, Grèce antique, Chine impériale,…), ce n’est qu’au XIVème siècle qu’elle commence à se développer réellement en Europe et notamment en France. Il s’agissait alors d’un objet de luxe que seuls les seigneurs avaient le droit et les moyens de posséder.

Les premières tapisseries du Moyen Âge étaient des tentures suspendues aux murs dont les motifs racontaient des scènes de la vie quotidienne, de la vie religieuse ou de batailles militaires. L’une des caractéristiques reconnaissables des tapisseries de cette époque est la présence d’une multitude de personnages dans des scènes très denses.

On peut citer notamment la « tenture de l’Apocalypse » qui mesurait à l’origine 140 mètres de long. Créée en 1375 sur l’ordre du duc Louis Ier d’Anjou, cette tenture est conservée actuellement au château d’Angers. Il en possède plusieurs dizaines à sa mort. Son frère, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne s’en sert pour nourrir ses ambitions politiques en les offrants en cadeaux à des hommes influents.

Les tapisseries les plus fameuses du Moyen Âge, sont sans aucun doute « La Dame à la Licorne » qui est visible au musée de Cluny à Paris, « La tenture de David et Bethsabée » conservée à Ecouen ou encore « La Tenture Les Chasses de Maximilien » au Musée du Louvre. Le plus souvent, ce sont des tapisseries en une seule pièce et plus rarement, ce sont des tentures en série comme « La tenture de l’Histoire du Roy » au Château de Versailles.

À l’instar des tapis berbères confectionnés par les tribus nomades, ces tapisseries françaises imposantes isolent parfaitement du froid et des courants d’air. Ils étaient indispensables pour couvrir d’immenses pans de murs dans les châteaux, ramenant ainsi un peu de chaleur dans les grandes pièces de vie. C’est surtout dans les petites villes de Flandres telles qu’Arras, Tournai ou Bruxelles qu’on pouvait à l’époque rencontrer les artisans créateurs les plus réputés.

Par définition, la tapisserie de cette période se tissait à la main ou sur un métier à tisser. A la base, le fil de trame s’enroulait et formait un nœud autour du fil de trame. Durant tout le Moyen-Âge, l’utilisation des cartons est courante dans les techniques de tissage. D’ailleurs, la fabrication des cartons en série avait donné naissance à un vrai métier : les cartonniers. Il n’est pas rare que les cartons soient réutilisés plusieurs fois pour différentes commandes de tapis. Et chaque ville avait sa spécialité. Les liciers de Bruxelles par exemple, se sont spécialisés dans les motifs floraux et naturels (animaux, arbres, feuillages, fleurs…).

La Renaissance : du style baroque au style Rococo

A la Renaissance, l’art de la tapisserie connaît un rebond culturel sans précédent. Désormais, c’est l’Italie qui souffle un vent de renouveau sur les techniques et les motifs traditionnels des tapis français. Notamment avec les œuvres de Raphaël qui préconisent des scènes plus aérées et des personnages monumentaux, hauts en couleur.

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Il est d’ailleurs encore possible d’admirer des tapis de cette période à Reims. La tapisserie de Charles Duruy intitulée « La prédication de Saint Pierre » et ouvertement inspirée de Raphaël est exposée au Palais de Tau.

Les commanditaires restent des privilégiés (rois, aristocrates, nobles, hommes d’Église). L’autre nouveauté est que chacun peut commander la thématique qu’il souhaite. Très souvent, ce sera un thème ecclésiastique, mythologique ou littéraire.

En 1515, François Ier, roi de France, crée la première usine de tapisserie à Fontainebleau. Les techniques de tissage employées commencent alors à devenir plus complexes. On distingue ainsi la technique de haute lice (fils à la verticale) et celle de basse lice (fils à l’horizontale) qui sont utilisées par la manufacture des Gobelins, fondée par Colbert sous le règne du roi Henri IV. Ces centres de fabrication employaient des centaines d’artisans et de grands créateurs comme François Boucher.

Les tapisseries des Gobelins vont être de véritables compositions de maîtres tapissiers où règnent l’ordre, la clarté et la perspective. Souvent ornés de riches bordures et d’arabesques, ces tapis seront essentiellement fabriqués avec de la laine de mouton, de coton, de chanvre ou du lin. Mais les familles nobles demanderont à y inclure également des matériaux plus précieux comme la soie ou les fils d’or.

Ces fibres naturelles ont l’avantage d’être très faciles à teindre pour obtenir une large palette de coloris. C’est à cette époque que naît le style Rococo que les artisans français maîtrisent et perfectionnent. On peut retrouver ce style dans des tapis tels que « La Tapisserie des Cerfs Ailés » ou « Le Dais de Charles VII ». Ces pièces destinées au roi étaient personnalisées.

XVIIème siècle : âge d’or de la tapisserie

On parle d’âge d’or de la tapisserie, car c’est à cette période que l’on trouve plusieurs changements cruciaux pour le secteur : la création d’ateliers de tapisserie royale, l’invention de métiers à tisser automates, la naissance d’un nouveau style.

À partir du XVIIème siècle, les tapisseries étaient des signes ostentatoires de richesses et d’opulences. Le Roi-Soleil, Louis XIV les utilisait pour impressionner les ambassadeurs des pays étrangers qui visitent Versailles. Il était le mécène de l’atelier des Gobelins qui réunissait jusqu’à plus de 800 liciers de Paris. Parfois, plusieurs personnes travaillaient sur une même commande donc il n’était pas rare de trouver des tapis signés par plusieurs peintres ou tapissiers différents.

Le développement de la production de tapis de style français est en marche, mais il existe une constante que l’on retrouve depuis les origines de la tapisserie française : c’est la technique de tissage d’après des cartons. Environ 16 tapis de Simon Vouet sont exposés au château de Châteaudun et utilisent cette technique. L’avantage des cartons, c’est qu’ils peuvent être facilement conservés et reproduits. Les modèles sur cartons de Le Brun sur l’Histoire d’Alexandre le Grand ont permis de tisser 7 pièces qui sont aujourd’hui conservées au château de Villeneuve-Lembron.

Cette période est aussi propice à la créativité et aux inventions. Au milieu du XVIIIème, Jacques de Vaucanson inventa justement le métier à tisser mécanique appelé « métier à tisser Jacquard ». Ils sont très prisés et produisent de somptueuses tapisseries. Ce procédé permet d’obtenir un maillage très serré ce qui offre une grande précision et une manufacture solide.

L’art de la tapisserie contemporaine

Les tapisseries françaises de l’époque moderne sont réalisées à partir de cartons par des manufactures comme Les Gobelins à Paris ou Aubusson dans la Creuse. Plusieurs cartonniers sont connus tels que Pierre Saint-Paul, Marc Petit, Salvador Dali, Jean Lurçat, Dom Robert…..

Les usines de tapis d’Aubusson et de Savonnerie qui ont longtemps utilisé le style baroque classique se sont rapidement laissées influencer par le style expérimental Art Déco. Les tentures mettent désormais l’accent sur les paramètres suivants : l’abstrait et les reliefs. Ces deux enseignes ont ainsi gagné une réputation sans faille parmi les collectionneurs et les amoureux des tapis français.

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L’atelier de tapisserie d’Aubusson a importé le savoir-faire des Flandres au XIVème siècle. Mais la source d’eau de la Creuse qui passe par Aubusson possède une sacrée réputation puisqu’elle est capable de fixer les couleurs durablement. La manufacture de la Savonnerie existe encore également et continue de créer dans ces ateliers de Paris et de Lodève, des tapis inspirés de créateurs contemporains comme les peintres Zao Wou Ki et Buraglio, les designers-architectes Garouste et Bonetti, Paulin ou Dubuisson.

Quant aux antiquités de la Savonnerie, elles s’inspiraient surtout d’œuvres d’art existants et des artistes majeurs du XXème siècle comme les feuilles d’écran d’Odilon Redon ou de Vincent Van Gogh, les modèles de Diéterle ou encore les Nymphéas de Claude Monet. Le renouveau stylistique des tapis antiques français permet d’obtenir des résultats plus élégants et majestueux.

Les tapis de ces deux manufactures ont un tissage épais et des couleurs plus douces (pastel…). L’idée désormais est de proposer non seulement des tapis anciens fonctionnels et confortables, mais aussi des tapis luxueux et esthétiques. Au XVIIIème siècle, les préférences se tournent désormais vers des décorations plus intimistes et des tapisseries au motif champêtres ou exotiques.

À côté du style Art Déco, on retrouve aussi une nouvelle vague culturelle nommée « tapisseries figuratives » ou « tapisserie sculpture ». Il s’agit en fait d’une tapisserie tridimensionnelle ou 3D qui est développée par des artistes comme Joseph Grau-Garriga.

Notez également que certaines techniques perdurent comme la tapisserie Jacquard. Les tapissiers des Flandres sont passés maîtres en la matière. Aujourd’hui, des ateliers tels que les Tissages d’Art de Lys produisent des tapis en laine et coton de grande qualité. Sur le marché, on peut trouver des thématiques encore très classiques comme « Le Tournoi » (qui reflète le déroulement de cet événement tel qu’il y en avait au Moyen-Âge), « La Chasse Napoléonienne » (qui reproduit un tableau de Carle Vernet).

Dans ces ateliers de tapisseries contemporaines, le tissage sur métier Jacquard permet d’obtenir une finition de grande qualité. Les tapis de la Savonnerie sont généralement composés de 53% de laine, 38% de coton, 7% de polyester et 2% de polyamide. Dans ces deux ateliers, les tapis sont réalisés sur des métiers verticaux. La technique nécessite un grand nombre d’opérations délicates et complexes. Les dessins techniques sont calqués sur des bandes de papiers transparents de 20 cm à 40 cm de haut. Avec cette méthode, les tapis de la Savonnerie sont assurés d’avoir entre 8 à 20 points de nœuds au centimètre carré.

Conclusion

Du Moyen Âge à nos jours, c’est 7 siècles d’héritage qui ont contribué à faire de la tapisserie française ce qu’elle est aujourd’hui. C’est un héritage important, lourd de sens et de signification pour les nombreuses familles de tisserands et liciers qui se transmettent les techniques ancestrales de nouage de tapis de génération en génération.

Reconnue comme étant l’une des productions les plus haut de gamme de la planète, l’industrie de la tapisserie française a connu des hauts et des bas. Les grandes manufactures comme Les Gobelins ou Aubusson font d’ailleurs désormais partie de la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité depuis 2009. Enfin, la tapisserie française obtient ses lettres de noblesse et une reconnaissance parfaitement méritée au même titre que les tapis d’Orient.


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